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Chers meurtriers du coeur,
Éteignoirs-du-dehors,
Les flaques d’eau des trottoirs n’en finissent plus d’indiquer que le coeur a soif et qu’il n’y a rien qui puisse l’étancher de si près.
Son essence est loin ; loin de toutes ces entités qui bougent sans conscience de leur trajectoire - comme ces étoiles qui ont appris à briller dans un essoufflement fugace.
Et de ce qui continue à se mouvoir sans âme et certes sans ne jamais s’émouvoir, il y a de ces êtres qui semblent se bercer sans usure ni du corps ni du coeur.
Car l’usure rappelle qu’il y a place aux creux, à l’oubli, à tout ce qui fait fondre la glace.
Chers meurtriers du coeur,
Est-ce vous qui avez volé l’étincelle?
Chers meurtriers du coeur,
Je vous écris pour vous demander quelles sont ces voix d’ici et là qui gloussent,
Qui jouissent, qui sanglotent sous un air placide,
Tous ces jets articulés qui nous rappellent qu’il y a un silence qui tremble, quelque part, mais on ne sait pas où,
Car on ne sait jamais quand le saisir,
Et c’est parce qu’il porte un charme si doux, si puissant et parfois si glauque que l’on s’efforce d’ignorer.
Chers meurtriers du coeur,
Pourquoi est-ce si dur de ne rien faire ; de s’abandonner au néant d’une vie, d’un paysage, d’une conversation? Et ce n’est pas même l’ennui qui nous fait peur, n’est-ce pas?
Car ce qui nous effraie ; c’est l’odeur réellement nauséabonde et inouïe des choses qui traînent près de nous lorsqu’on ne fait rien de ces élans qui puissent parvenir à nous en épargner.
Chers meurtriers du coeur,
Ce qui nous effraie ; ce sont alors les formes du vent, des courbes, des instants, lorsqu’elles prennent le temps de se déployer aisément, n’est-ce pas?
Notre ventre même se met à nous apeurer! Il regorge de ces craintes, de ces brûlures d’antan qui rongent goulûment le fond et ce jusqu’à la vessie.
Et voilà qu’il se crispe sans retenue, le maudit!
Tous ces débris doivent alors remonter dans l’ascenseur, parvenir à la conscience et nous éclabousser en lieu du rêve.
C’est tout cela qui fait peur pour vrai : le vent, les courbes, les instants, lorsqu’on prend le temps, vraiment, d’y soumettre le coeur.
Mais l’ennui, on le connaît que trop bien pour en avoir peur.
Alors la prochaine fois, vous saurez que quand vous haussez le ton, même si c’est à la télévision; ça brûle dans la poitrine. Et ce n’est pas parce qu’on en a peur. Ça nous ennuie. Et l’ennui, on le connaît que trop bien pour en avoir peur, je vous l’ai déjà dit. Vous êtes plutôt trop ennuyants pour susciter l’effroi! Car de ces effrois qui nous tiraillent, nous secouent, nous poussent vers l’inconnu à force de s’affranchir des résistances ; vos voix nous rappellent plutôt ce qui creuse tombeau parmi nous.
Je persiste à croire que je ne sais pas d’où me vient soudainement cette nausée matinale. Cette envie de m’étourdir dans un mouvement incohérent et si intense.
Mais tout cela me urge comme vous, chers meurtriers du coeur, à prendre le métro à toute vitesse, à sauter les tourniquets d’un bond exalté, à m’élancer dans le train par l’habitude, à écouter du disco à tue-tête jusqu’à ce que sautent mes tympans, puis à enfouir ma nuque sous le couvert de mon capuchon : je veux me nicher au chaud afin de m’extraire de cette boîte réfrigérée qu’est cette vie, vraiment, trop, tout le temps, aliénante.
Chers meurtriers du coeur,
Pourquoi les larmes ne connaissent pas l’honneur qu’elles méritent?
Ces pétales d’eau surgissent que rarement, ou sinon en silence, car on ne sait pas combien il est merveilleux et joyeux d’essorer nos coeurs sous le soleil chantant. Les filaments que sont les larmes nous parcourent doucement la chair pour mieux connaître les plis, les sécheresses et les secrets qui jalonnent le corps.
Les larmes hydratent, soignent, et comprennent l’endroit de la blessure.
Nous les rangeons pourtant bien creux, et c’est comme ça qu’elles inondent les oubliettes. Ne voyez-vous pas qu’un ouragan larmoyant pousse sous la terre?
Les tristesses sont alors telles les joies ; sauf que des unes nous craignons, des autres nous apprenons à théâtraliser.
Les larmes sont pour le corps ce que le rire est au coeur.
Chers meurtriers du coeur, vous arrive-t-il de fondre en larmes?
La chair intacte et nue déconcerte l’oeil déshabitué. Elle rappelle que nous sommes.
Que sous l’emballage morose du quotidien, il y a le sensible - ces choses qui effraient : ce vent, ces courbes, ces instants, lorsqu’ils prennent le temps de se déployer aisément.
Chers meurtriers du coeur,
Mais où sont nos corps?
Ne les avez-vous pas engloutis sous des ruines d’inertie?
Tout comme ces étoiles qui ont appris à filer sans conscience de leur trajectoire, nos corps bougent incessamment mais le souffle s’est envolé. Le silence, la pluie, le cri - même le plus viscéral, ne font plus écho. Nos âmes ont mal, mais elles ont conscience du lointain. Elles sont engourdies, mais elles n’en sont pas moins intelligentes. Elles persistent en veilleuse, elles pardonnent, elles murmurent, elles oublient. Elles renferment leurs blessures, leurs inerties, leurs petites morts. Elles couvent vaillamment leurs instincts, qui dorment en sourdine.
Chers meurtriers du coeur,
Nous vivons!
Nous sommes là!
Nous sommes ici!
Même si tout gît, même si ça fait mal, que ça pince, que ça brûle, que ça fait souvent peur.
Je bouge, je crie, je mastique, j’aime, je déteste, je m’enfarge, j’ai mal,
J’ai soif, je savoure, je sanglote, je hurle, je tremble, je gâche, j’essaie, j’ai le trémolo, mais je vis! Je vis!

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La misère plane tout autour de moi, elle s’écrase sur les trottoirs, déshumanise la solitude, se fracasse débridée contre la rétine de ceux et celles qui la contemplent de trop près et tentent vainement de crever l’indifférence ouatée dans laquelle baignent confortablement les têtes creuses de l’ignorance, comme si l’incessante et mouvante réalité extérieure compensait pour la vie qui jamais n’a su vibrer en leur demeure viscérale. 

Dans les villes, agitation et inertie se rivalisent, les êtres-réfrigérateurs se heurtent dans leur froideur habituelle en dévalant la liste de leurs obligations quotidiennes à quête d’accomplissements divers, d’argent, d’expériences cumulées plus que vécues, de rendez-vous prédéfinis à leur horaire respectif afin de s’assurer de maintenir une dose respectable d'activités et de loisirs en terme de divertissement mérité et déculpabilisé. 

À ce jour, qui résiste véritablement au magnétisme subliminal de la publicité, des slogans, des images, qui prennent en otage notre faculté de discernement? Qui peut s’avouer goûter à la spontanéité quand les choix que nous faisons nous mènent vers le connu, le rectiligne, le confort, la stabilité alors qu’il est devenu absurde de s’élancer sans certitude aucune dans le vide, sans maintenir autre sentiment d’appartenance que celui pour le néant? On oublie souvent qu’on ne peut pas se perdre quand on ne sait pas où l’on s’en va. Mais chaque individu, dans ce monde, est pressé de savoir où il aboutira, à quoi il appartiendra et se maintiendra. 

L’ambition et la quête d’une certitude transforment nos vies en impasses, car le voyage de l’existence est réduit à une destination, qui souvent, prend la forme d’un idéal dont nous n’atteignons pas le but. La sinuosité vertigineuse du mystère de la vie prend la forme d’un trait rectiligne compressant ses courbes inouïes; quais du néant que l’on évite sans cesse par peur de se confronter à l'attraction du vide. Où il nous apparait aberrant de crier, d’hurler et de pleurer afin d’ébranler le placenta de l’univers, de s’en avorter, de s’émanciper un instant de ce confinement terrestre, de s’extraire de la terre sur laquelle je ne suis moi-même qu’une impuissante cellule désoeuvrée à la tâche, car j’aimerais devenir la lune, cette organe céleste qui ne sait pas ce que c’est que de n’être qu’une particule. Qui ne comprend pas la souffrance d’être soumise à la force tyrannique des cieux dans lesquels elle trône, d’être esclave à ce néant qui m’attire et dont l’absence me fascine, étant, il me semble, la seule issue absolue à la certitude. 

Partout autour de moi, matérialisation brime vitalité, robotisation brime humanité, individualisme brime collectivité, endoctrinement brime créativité. C’est le festival du conformisme. 

Mais pourquoi les certitudes sont-elles si opulentes? 

Alors que les cris, les rages et les élans de coeurs révoltés retentissent en sourdine dans le paysage de l’absurdité humaine? 

C’est comme si nous devions, tout un chacun, choisir d’entendre le silence ou le vacarme, de voir l’opulence ou le vide, choisir entre la vie et la mort, entre le bien et le mal, entre le rectiligne et le sinueux, entre la certitude et le vertige, entre le berceau et le corbillard, entre l’espoir que toute bonne âme fidèle à la vocation du «bien» porterait en la vie et entre l’apocalypse que fantasmerait passionnément le nihiliste, seule ardeur à laquelle il se voue : le désir de chuter. 

L’ambivalence semble impossible, car l’humain, qui a soif de certitudes, ne peut se résoudre à demeurer dans ces zones nébuleuses entre la vie et la mort, entre le bien et le mal, entre le berceau et le corbillard, etc. Nous sommes intègre dans le bien ou intègre dans le mal et dans la peur d’être ambivalent réside l'incertitude, au travers de laquelle tant d'êtres ont plongé dans le revers de leurs certitudes et ont ainsi connu le renversement de la morale.

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Fragment de lettre : 


Je t’écris à propos de cette envie soudaine qui m’agace environ deux à trois fois par jour dans des moments inopportuns ou même décousus du réel. C’est l’idée de me laisser choir au creux du gouffre tout en sachant qu’il m’est sévèrement proscrit. On a peur des choses qui sont taboues parce qu’on les imagine catastrophiques et en même temps, ça nous tend sauvagement la panse vers l’interdit. Si la vie devait s’arrêter devant la catastrophe, on se tuerait probablement d’émerveillement plus que d’effroi. On a peur surtout parce qu’on appréhende. Mais le choc, la crise, la mort, c’est de là qu’émergent les flots les plus contestataires. Saccager les barreaux. Cesser de sous-estimer la crise. 


Se laisser vivre. 
Bon sang de maudit verrat de marde!!!!!

 

J’ai d’ailleurs envie que tu comprennes dans cette lettre ce que signifie le mot «phobie». Que tu l’absorbes, le boive, le chique, le ravale douloureusement et le régurgite, en boucle, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus place pour faire autre chose. 
À tant vouloir jeter la lumière sur les non-dits qui résident dans les abysses d’une crypte éternelle, on aveugle parfois même les vérités. Et à tant vouloir s’expliquer, on ne dit plus rien même si la bouche continue de se mouvoir machinalement : on avale des mouches et on attrape la gastro. 


Par crainte de commettre le mal chez autrui, ne vous est-il pas arrivé de vous empoisonner vous-mêmes? 
On croit que c’est en s’auto-flagellant soi-même qu’on arrive à sentir sa souffrance tout en parvenant à s’épargner de l’adversité ou des représailles. Mais la vengeance n’en est pas moindre. C’est le cri viscéral que nous étouffons. C’est le monde qui se refuse à nous. Et cette douleur de sentir le monde qui nous refuse et nous étreint à la fois, elle abat, elle donne le vertige, mais à quelque part, elle est énorme, comme deux grosses mamelles éléphantesques qui nous giflent sans pitié ; elle est aussi éternelle, philosophique, sans issue. 


On ne crée pas sans souiller. Ainsi on crée par compulsion inévitable plus que par élan sincère.

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Maman

Je suis le cri de ta retenue obligatoire 

De cette souffrance qui se fait écho d’une naissance

De tous ces élans retenus, refoulés, et de toutes ces curiosités meurtries; faute de violence apprise et reprise

Je t’entends encore me taire 

Et au fond j’essaie si fort de vivre pour deux. 

De toutes ces extravagances je tente de m’extirper d’un cloisonnement étroit 

Faute d’être née, d’être celle qui se débat encore d’entre tes entrailles pour m’abreuver de vie 

Maman 

Je suis celle qui pleure tes larmes à outrance parce que je sais que si tu ne les côtoie pas, c’est parce qu’elles ont été contraintes de s’oublier dans le malheureux vaisseau du deuil 

Parties en flèche vers une mort trop vite envolée

Des désirs castrés dans l’oeuf dès l’éclosion de la rose

Je suppose que tu as appris à vivre endeuillée d’amour

Ne savons-nous pas si peu de l’enfance de ceux qui nous ont fait la leur 

Maman 

Tu es cette obsession qui m’entache aux confins du doute 

Qui me tenaille d’une envie si forte de vivre, de créer et de me recréer

En dehors des diktats de la peur 

Et des mirages qui nous condamnent à s’oublier dans d’innombrables fantasmes : immaculées sommes-nous lorsque le monde nous offre de se mirer dans son reflet consolateur d’artifices 

Maman 

J’ai longtemps cru que j’étais un monstre 

Car je porte le cri sanglant de ta vie fragmentée, humiliée 

Je me débats contre toutes ces fatalités imposées 

Ne portons-nous pas contre notre gré ces identités monstrueuses parce qu’elles revêtent l’explication d’un rejet trop douloureux à porter 

Maman 

Mourrons-nous avant de naître? 

De ces essais-troubles j’ai tant essayé de donner forme à mes couleurs 

Qui n’avaient de beauté que parce qu’elles étaient si neuves, si rafraîchissantes face au malheur du monde

De ces demandes intempestives je réclamais maladroitement ta compréhension et ton pardon

Quelle place disposons-nous pour se définir lorsque l’étau nous resserre si fort contre notre propre douleur dès l’aube de la vie? 

N’est-ce pas le syndrome de l’enfant-vice;

celui qui devient le réceptacle de tout ce que le monde n’a pas de beau à offrir. 

​

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Borderline

​

Après 

​

Le tonnerre est le cri délétère qui persiste en vacarme et qui tourmente à répétition suite au giclement de l’éclair et ce même lorsque l’on parle de blessure psychique : il est cette lésion dans la mémoire qui ne laisse plus place au mouvement. Tout du monde ayant la possibilité d’émouvoir l’esprit se réfère au cri. 

​

Ecchymose

​

La blessure agit comme si le monde était réduit à une ecchymose éternelle à la surface de la peau - à un sceau de souffrance qui s’estomperait facilement si seulement il y avait reflux de la vague, mais celle-ci ne casse jamais.

 

Petitesse

​

Je m’amoindris de taille devant la vague qui ne cesse de s’élancer vers le ciel : je la regarde se faire de plus en plus géante et je ne peux que me résoudre à attendre qu’elle m’emporte. 

​

Souvenir

​

Je me souviens des évènements qu’à travers le vertige qui me guette. Un mouvement voulant être libéré et qui pourtant est rejeté par l’ombre d’un doute. Il se bloque péniblement dans le corps, comme pour y chercher vérité dans le tombeau. 

​

Confusion identitaire 

​

Un ouragan de possibilités, une crise déflagrante dont la folie s’accélère à même que pèse toujours plus fort l’obligation de se plier à l’usure d’une entité constante. Comment s’adapter à un monde qui nous pousse au rejet de l’autre en soi? N’avons-nous pas justement la souplesse d’incarner ce «plusieurs» qui dérange? 

​

Dépersonnalisation 

​

Je suis si inconnue à moi-même, et cette connaissance, plutôt que de m’élever en m’amenant à jouir des possibilités à me découvrir, se gâte de me happer en plein ventre : elle voit dans l’infinité des possibles le soupçon d’ambiguïté qui rend le visible impossible. 

​

Déréalisation 

​

Nommer les choses est ce qu’il y a de plus angoissant lorsque l’on doute de tout. Tout croire ou tout rejeter équivaut à se dissoudre dans le même flou.

​

Limite 

​

Jusqu’à quelle limite l’essouflement nous portera-t-il? Il n’y a pas de frontières nul part : le monde comme le mien est poreux, tout se meut en un mouvement unidirectionnel et c’est justement dans cette absence de frontières que je m’euphorise et m’émeus, alors pourquoi devrais-je y voir des barrières?

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Chers meurtriers du coeur, 

Connaissez-vous le gel d’une passion? 

Le ternissement d’une lumière? 

La mort d’une curiosité? 

La sécheresse d’un amour? 

Au fil des abandons ; nous sommes devenues des aiguilles qui s’éparpillent dans le paysage. 

Nous n’avons pas été épargnées quant à la connaissance de notre insignifiance. D’autres ont pu la constater plus objectivement ; comme étant inévitable, énigmatique, ou même poétique ou encore source d’émerveillement. 

Ils ont peut-être eu un brin d’amour ou d’encouragement plus précoce qui leur a permis d’apprendre à voir quelque chose de bien (ou de moins bien) en l’insignifiance ; plutôt que de se voir complètement et fatalement insignifiants. 

Certains problèmes à résoudre ne se posent plus. Car quand le problème n’est jamais l’autre, jamais le monde, jamais non plus le hasard, il faut bien lui trouver un coupable. Sinon ça n’a pas de sens. 

Voilà que nous sommes confinées à l’obsession! La question est elle-même la réponse!

L’erreur c’est moi! La façon de la résoudre? Ils disent tous qu’on ne trouve de solution qu’en soi-même! 

Mais alors que faire? 

Je suis emprisonnée. 

D’autres voient en la faille une opportunité d’apprendre à tisser un simulacre d’espoir et ainsi s’élever. Mais voir la faille est autre chose qu’être la faille! 

On vous a appris à craindre la faille ; à rechercher partout l’étanchéité! 

Quant à nous ; on nous a appris que nous étions la faille! 

Et qu’il fallait en plus la craindre! 

Il en résulte que nous craignons d’autant plus notre propre existence : celle que vous craigniez déjà! 

Nous sommes la peur à son paroxysme!

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Je veux dormir 

Comme une éternelle au repos 

Entre les souffles épais 

 

Je ne veux plus voir 

La tornade 

M’affoler, m’achaler, me faire m’élancer vers un calme utopique 

​

Je suis un cancre du bonheur 

Et quand je m’aperçois du monde 

Hors de fantaisies 

J’ai faim de nuits

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La vie est un amalgame de survivances aigues qui se débattent encore et toujours, même lorsque la survie n’est plus de mise. Lorsque le corps se protège et qu’il impose à l’esprit de créer un «plusieurs» ; il tente de jouer en lui-même cette altérité qu’il n’as pas connu en temps réel et en dimension palpable. Comme le corps n’a pu intégrer le souvenir bienveillant d’un Autre, il incarne cet Autre de la manière la plus familière qui soit : en se faisant conflit. Inexistante est pour lui la notion de véritable échange vis-à-vis du monde et des êtres. Si cette absence est persistante et constitue à faire outrage à toutes les tentatives de survie, la cruauté émerge comme une façon d’approcher le vivant de par cette satiété du lien. Ne pas pouvoir trouver sens à sa souffrance par le biais de son environnement est une mort qui pousse à l’anéantissement.

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Nous ne sommes pas enfants seulement en raison de l’âge. C’est un état que nous portons en notre sein ; un don que nous devons nous efforcer de renouveler sans cesse en vieillissant. L’enfance est plus qu’un stade par lequel nous évoluons durant un certain laps de temps : c’est un talent universel. 
C’est un berceau où se blottissent les plus grandes forces guérisseuses et les formes les plus éblouissantes, les plus inédites. 
Et si l’enfance est l’une des blessures les plus déchirantes, si ce n’est pas la plus immuable ; celle qui nous porte parfois à s’amouracher d’un amour fugace afin de se conforter dans un gouffre - gouffre qui apaise le deuil d’une plénitude d’antan : en elle se cache aussi le pouls de la création, de l’émerveillement, de l’imagination, du vivre-à-pleines-goulées. 
Alors jolis pantins 
Qui portent en eux le trou 
Le deuil de la montagne 
La soif émerveillante des étoiles 
On nous a amputé la création des membres - la finesse du bout des doigts, la force du revers des gros orteils, le coeur d’anchois dans le front qui sait gronder le monde 
On nous a arraché ces merveilleuses boutures porteuses de floraison. 


AVIS AUX GRANDS : 
L’imagination n’est pas une ermite! Elle n’est pas ci - encore moins ça. Elle est tout! Ou elle n’est rien! 
Elle n’est pas non plus vouée à hiverner afin de se faire une beauté en été! 
Elle n’a pas la fatigue si frileuse. 
Elle somnole plutôt quand bon lui semble dans les cratères du rêve ; là où le feu est toujours vivant! 
L’imagination ne peut se conformer aux exactitudes! Ce serait lui imposer un courant auquel elle ne saurait être fidèle. Ce n’est pas non plus parce qu’une grenouille nageotte dans la baignoire qu’il faut l’encourager à entreprendre la traversée de la mer! 
Laissez l’enfant jouir de tous les éclats possibles 
De toutes les manifestations de vie errante et de tous les sursauts de la forêt 
Encore de toutes les grimaces des moustachus : 
La créativité est de nature friande! 
Nul besoin de la contraindre au profit d’une jouissance prématurée. 
L’enfant chérit les formes et ne cherche par là aucune exactitude. Toute errance lui est plaisance.

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Nous 
Les objets 
Ne savons pas épeler

Nous ne savons pas haïr
Non plus
Ni repousser les monstres 
Hideux 
Nous sommes pleins de vent 
Emprisonné

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Je suis la femme sauvage 
Sous mon fumier 
Mon testament 
Mon royaume rose
Mes rires trop secs 
Mes rêves trop drabes 
Mes songes trop creux 
Mes chimères trop romantiques 
Et mes déserts trop langoureux 
Je gis 
Je suis inculte
Bonne à rêver 
Bonne à crever 
Je sais comment mourir 
Et enfin renaître à moi-même sans trop de charme ni de quiétude
J’y ai longtemps médité 
Ne vous inquiétez-pas 
La nuit fait mal 
Et j'y plonge 
Je fantasme 
Sur tous ces êtres qui n'existent pas 
Ils sont beaux dans le songe 
Et si faibles de près 
J’ai si peur de m'en approcher 
Au risque d'oublier qui ils m'étaient 
Jadis

La lumière pénètre le regard de ceux qui la fuient 
La distance est jouissive 
Entre fabulation et réalité 
Mais où suis-je? ai-je envie de chuchoter aux corps célestes 
Du conscient à l’inconscience 
Du rêve à la télévision 
Les images me crèvent les yeux 
J’ai envie de partir. 
L’enfant pleure de terreur 
Il fait la grève de son émerveillement 
Il assiste à ce cauchemar tentaculaire qui s’émisse de partout 
L’enfant ne veut rien voir! 
Il s’émaille grossièrement devant la vie 
Qui a déjà tant à recoudre 
On lui dira qu’il faut absolument regagner ce qui est perdu! 
Mais alors à quoi sert l’oubli si on s’évertue sans cesse à étancher les failles?

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Le monde est une mise en abyme de solitudes. Quand la voûte céleste crée cette ouverture meurtrière au-dessus de soi telle une bouche béante qui attend goulûment son gibier, vaut mieux rester véritable sous peine d’attiser son appétit que de chercher à fuir. Autrement vaut mieux hurler sa solitude que de chercher à imiter la foule. 
Il ne faut pas attendre d’habiter toute entière la force avant de saisir qu’elle puisse nous habiter, ne serait-ce qu’en fragments. Elle est l’alliée devant l’ennemi, à même l’incertitude. 
La solitude m’apparaît cruelle du moment où l’on exige d’elle qu’elle fasse office de refuge hermétique à nos tourments. Mais si l’on tente de la voir comme étant un abîme qui, en y plongeant, nous permet d’atteindre quelques tréfonds de notre être, peut-être verrions-nous cette béance comme étant la plus belle étreinte de toutes. Une caresse qui sans envelopper la peine, la crainte ou encore l’amertume, s’ouvre sur toutes les possibilités d’éternité. C’est une vieille dont la force s’est aguerrie de fil en aiguille qui nous rend alors l’étreinte : elle a les os usés et le tempérament de celle qui gronde et elle inspire la souplesse d’une larme. 
Sentir sa brûlure. Se blottir contre la braise. Tâter le pouls d’une créativité latente. Sans amour, les êtres choient et crépissent. Apprivoiser cette solitude qui essaie de se faire foule. Avant qu’elle ne devienne émeute à huis clos. 
Nous sommes la miette qui s’emporte au vent. Le trémolo dans la salle d’attente. Le coq dans la sécheuse. 
Rien de plus. Rien de moins.

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Miroir, me reconnais-tu? 
Je songe à tous ces êtres qui se sont coupés d'eux-mêmes, et je sais la douleur que leur corps occulte. J'avais fait le voeu de mourir avant que s'effectue cette coupure. Je m'encabanerai des jours entiers et j'écrirai jusqu'à ce que le jour vienne triompher la mort. La nature est forte. Je sais qu'elle l'est, car tant d'êtres ont survécu à leur propre mort. Si j'écris encore, c'est pour rendre justice à la tragédie de la vie. Celle qui nous terrasse le coeur par tant de tumultes orageux ; celle qui nous arrache de nos racines les plus robustes, qui nous laisse en suspens du monde, comme un nourrisson qui flotterait au beau milieu de nul part sans placenta, sans rien pour le retenir. 
Nous sommes comme des funambules sur cette terre, et rien nous ne assure le droit chemin : jamais nous ne sommes à l'abri d'un raisonnement tordu, d'un acte fautif, ni non plus d'un leurre sur notre passage. 

De ces morts si cruelles, il y a celles qui se préparent en sourde dans le coeur. Il y a celles dont aucune tragédie unique ne parvient à enclencher. Ces morts soudaines, ce sont celles qui collectionnent leurs restes, leurs rancoeurs et leurs amertumes des années durant. Elles tentent d'ouvrir une brèche sur la vie, lorsque le ciel les y invite. 
Il n'y a que vent emprisonné en ces êtres meurtris. En ces fleurs garnies d'épines, de boucliers en pétales. 
Tout est une question de survie : même la mort l'est. 
Elle protège, elle rend la noirceur de l'âme à qui ne peut ouvrir ses volets sur un paysage d'espoir. 

En chacun de nous, vit un enfant qui a appris à s'incliner plus ou moins adroitement devant la vie. Forcer cette inclinaison pour le rendre docile consisterait à aggraver les travers de sa constitution. Comme un loup, cet enfant réclame la nourriture dont il a de besoin. Par des cris effarés, des miaulements timides, des hurlements agaçants, des tapotements insignifiants, nous croyons pouvoir percevoir le signal d'une faim soudaine, d'une soif passagère, d'un vide déjà ancré. 

On dit que l'être humain souffre davantage de la représentation du traumatisme que du traumatisme lui-même. 
Ainsi, notre vie n'est-elle pas qu'une création de souffrances sans noms? 
La faille première, n'est-elle pas là que pour attiser notre imagination, et sans cesse se reproduire dans l'engrenage? 
Il n'y a aucun esprit assez intelligent qui puisse comprendre tout le déploiement de sa propre structure défensive. Seul le corps sait, et a le pouvoir de sonder ce mystère. C'est lui qui connaît la clé, l'astuce magique qui fera sauter le verrou. Le corps est un puissant témoignage de ce qui le précède. S'il doit s'affranchir d'un héritage qui lui est nuisible, il finira par créer les secousses nécessaires qui lui permettront de tout détruire, pour enfin reconstruire sur table rase. Autrement, il est vain de s'attaquer à détruire les barrages les plus épais sans son consentement ; même ceux qui nous portent à emprunter les élans les plus détestables, alors à quoi bon condamner ces héritages sous le siège du «mal»? 

À mon avis, tous ceux qui se permettent de juger la part d'ombre des autres n'ont rien compris de la leur. 
C'est beaucoup plus rassurant de croire qu'il existe en cette terre, des êtres désignés pour porter le mal, la noirceur, le meurtre, la folie. 
De tous ces êtres qui toute leur vie se battront et se débattront contre leurs démons les plus voraces, certains perdront pied ; d'autres arriveront à s'asseoir ou à s'agenouiller près de la bête. Dans tous les cas, il ne s'agit ni de victoire, ni de perte, mais plutôt de réconciliation ou de fracture. 

Que sommes-nous supposé.es faire entre vie et mort? Là où plus rien ne nous émeut, ni ne parvient à réveiller l'enfant - celui qui s'incline plus ou moins adroitement devant l'existence? Doit-on patienter, lutter, en vouloir au monde entier d'accourir vers la mort? 
Et si jamais ne revenait la vie, doit-on se résilier à y passer quand-même, en étant à côté de soi, de ses sensations, de ses souffrances même? En se réfugiant dans un monde où seule la rationalisation nous permet d'élaborer ce qu'il y a autour, en nous coupant du vide et du doute saillant que feraient naître tous ces mouvements incongrus nous entourant? Il n'y a rien de pire que de se savoir souffrir sans pouvoir entendre le cri de cette souffrance. 

Je crois comprendre que la vie ne nous donne aucun combat qui soit insurmontable. Et que les guerres les plus silencieuses, celles qui demandent au corps de déployer toutes ses armées, et de brandir les boucliers sous la chair, sont celles qui nous rendent les plus indicibles vertiges. Nous ne voyons pas l'ennemi, mais toujours il y est et il tente de se faufiler entre les parois afin d'injecter son précieux venin. C'est un peu comme se battre contre les déchets ou les émanations de la radioactivité sur un territoire affligé : la mort est toujours là, elle nous guette en suspens, mais on ne sait jamais quand, ni après combien de temps elle finira par nous engouffrer. Ce sont justement ces morts qui se préparent en sourde dans le coeur. 

Quand je songe à ma mère, j'ai des frissons qui me parcourent le dos. Je me suis volontière éprise de passion pour cette souffrance fantomatique qui est sienne ; je dirais même qu'elle m'obsède, car je n'ai jamais pu comprendre comment elle parvenait à vivre sous tous ses visages intacts. J'ai voulu la remanier, lui rendre justice, la rendre intelligible, même en faire le moteur de ma vie. N'avons-nous pas le devoir en cette vie de crier ce qui nous serre les tripes? Quelle cause défendons-nous si ce n'est pas la nôtre avant toute chose? À quoi sert d'inhiber ce qui par nature, ne cherche qu'à rendre vivants les cycles dont nous sommes les héritiers, les coffre-forts en chair et en os? Quel vain dévouement que de sans cesse livrer sa quête ailleurs, lorsque nous n'entendons plus les inspirs et les expirs du corps.

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S’ÉVIDER : 


Vide à toi 
Vide devant toi 
Toi devant le vide 
Je me fais vide pour entendre la plénitude 
On m’a dit qu’il fallait être disponible 
À contempler 
À admirer 
À s’hébéter 
À s’estomaquer en silence. 
Jusqu’à faire de l’épuisement une impasse 
Jusqu’à ravaler la conviction de l’intime 
Au prix de trahir sa vérité. 


S’ÉVAPORER : 


Devant les géants je me fais désert 
Je suis miette 
Je suis écorchure 
Je suis une guenille qui traîne sur l'îlot. 
Je suis avide d’absorber tout ce qui se prélasse sur les surfaces 
Je gobe l’Autre sans préavis 


INSUFFISANCE : 


Ne pas oublier de s’impressionner et de se surpasser
À travers l’angoisse de cumuler les montagnes. 


RÉSISTER : 


Je sais ravaler 
Culbuter entre les sanglots 
Je sais me réfugier dans l’ombre d’un doute 
Avec le ventre barré de colère 
Et le coeur gorgé d’envies 
D’éclore moi aussi


ANXIÉTÉ : 


Cellule capitonnée 
Oeillère 
Barricades 
Le danger est inhérent au souffle 
J’étouffe 
Le monde cause un bris dans la cage thoracique 
Qui saccage la beauté


SCISSION : 


Engloutir son corps de ciment 
Sentir le fardeau peser 
S’épargner d’une brutalité
Rendre aveugle cruauté 
Car l’enfant ne saurait y voir clair 
Et l’asphyxie serait mortelle


CRÉATIVITÉ : 


La fiction est le pouvoir de conviction 
De celui qui rêve en silence 


CROULER : 
Sous la pression 
Les larmes inondent mes yeux 


RÊVER : 


Retrouver les monstres dans l’oubliette 
Salir mes plus belles robes à pois
Quand l’envie me prend de me divertir 


S’APPAUVRIR : 


Eux savent hurler 
Et moi je pénètre dans la gueule du loup 
Je n’entends que l’Autre 
Je suis là où est le cri ; 
Je suis là où est la vie ; 
Je suis là où est l’oubli.

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Je me détors le cœur d’une douleur infernale : je suis le nectar de toutes ces bestioles affamées qui sont venues se cristalliser en mon sein. Que faire de toutes ces présences parasitaires qui tourmentent mon sommeil et qui le scinde en plusieurs nuages de désespoirs au dessus de ma tête ; sont-ils des rêves, des présages, des ennemis, des appâts même, ou encore de silencieux messagers venant me saupoudrer en repos sûr les fabuleux secrets de la délivrance? 

La vie ne tient qu'à un fil, qu'à une maille incertaine qui menace d'emporter avec elle tout l'étoffe à laquelle elle se lie, d'incertitude dans le labyrinthe de la plus minutieuse confection. Nous, corps organiques, sommes ainsi faits : solides pour toujours si la faille ne cède jamais à l'ultime faiblesse, ou si elle y cède en temps voulu. Il suffit autrement d'une maille, d'une faille, d'une brèche infiniment petite ayant la capacité, ou même la mesquinerie, d'emporter avec elle toute l'oeuvre d'une vie, d'une histoire, d'une composition mortelle. 

Il suffit à l'inverse, lorsque tout accoure vers l'autre côté de la vie, que rien ne semble survivre à l'adversité : d'un souffle presque éteint, mais qui possède encore la force d'un doux sifflement dans sa fuite, pour rallumer tranquillement la braise qui se meurt.

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J’aime tes collines 
Lorsqu’elles pointent le ciel 
Je caresse l’oubli d’entre tes plis de chair 
J’aime te tournoyer 
La langue 
Tout Autour 
Un orage dans le ventre 
L’envie de 
T’emprisonner 
Langoureusement 
Entre mes bras 
Puis de te gicler 
La mer 
En pleine face 
Quelle est cette écume 
Ces résidus de nous 
N’a-t-on pas compris qui nous sommes? 
J’aime quand tu es frêle 
Quand tu es brise 
Ça m’émeut ; 
Quand tu n’as pas peur du vent
Et qu’on peut s’y balloter 
Sans brusqueries

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«Je» est un nuage, une illusion à soi, dans toute l'impermanence qui le compose. D'affirmer que telle ou telle partie de ce «je» est «autre» ne doit pas consister à rejeter cette part : mais plutôt, nous inciter à accepter les entités dissociées qui résistent à une pleine incarnation. 

Tout de ce monde a ses raisons, ses principes, son enracinement conscient ou inconscient, ses lois triomphantes ou infamantes. Ces lois, quelles soient écrites ou non, programmées par un ordre ou un système établi ou encore précieusement confiées aux cycles d'une nature dont la guidance est infinie, transformatrice et révélatrice du divin, sont celles qui ont le pouvoir de nous scinder ou de nous rassembler, de toutes parts, en prenant garde de révéler toutes les intrications ou les divisions possibles entre les systèmes, des plus chromosomiques jusqu'aux plus cosmiques. 

Tous les élans, qu'ils aient été domptés par notre aptitude à inhiber toute velléité ou qu'ils soient rejetés dans l'univers à l'aide des ressorts qui nous lient aux pulsions les plus abyssales, sont nature à saisir, à honorer, à rendre souffle. 

Mais la douleur est celle qui nous confine en esprit. L'esprit qui en tentant de s'en en aller, se dérobe à la douleur et à son script inconscient. Symboles qui révèlent à la conscience toutes les instances emprisonnées. Sans recours à la résistance.

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Tu chantais si lamentablement 
La voix crissait de médiocrité
Un corbillard se logeait tranquillement dans la gorge 
Ni lumière ni élan ne jaillissait 
Notre soleil se dégonflait et nous nous entêtions à savoir si nous devions le faire sécher flasque sur la corde à linges 
Nos deux souffles éreintés n’y arriveraient pas de toute façon 

À deux nous étions le réceptacle du monde. Nous voulions nous en libérer telle une botte qui ne nous chaussait pas. L’obsession de s’affranchir de notre vertige symbiotique le rendait plus palpable, plus cruel, mais surtout plus impossible qu’il ne l’était déjà.

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Je ne vois pas la pertinence de vivre dans cet emballage plastique. Je suis moi-même une corbeille ambulante : j’ai le corps chargé de cochonneries, de polluants, d’excréments. J’ai tout attrapé de ces contagions, de ces microbes, de ces virus et de ces conditionnements infectes. L’humain est un fourre-tout. Ce n’est pas compliqué. Il y a des êtres pour qui la légèreté n’est pas permise : il faut que leur corps s’alourdisse sous le poids de la mort, que leur tête enfle démesurément pour compenser la perte du reste, que leurs artères se dilatent jusqu'à se fissurer pour laisser le sang gicler, que leurs organes se chargent comme des ballons remplis d’hélium jusqu'à créer une insupportable tension, comme si aucune grâce ne pouvait habiter ces êtres. Vous voyez, l'image d'un corps rempli, boursouflé, bouffi de crasse, où tout pousse vers le dehors, comme quand on a le vomi pris dans la bouche et qu'on ne peut pas cracher le liquide. Je ne vois pas la pertinence de vivre dans cette absence du vivant, dans cette hypertrophie morbide. Tout veut sauter pour ne plus être pris dans le suif.

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Tordre son âme avec férocité. En essorer la peine.

Alors que le coeur se heurte à refuser
Les définitions appauvrissantes
Qui s’apposent à nos fronts
Nous sommes en cages - des bêtes de foire dont la confusion en amuse

Car ne sommes-nous pas parfois des passoires que l’on gave de tout et de rien 
Jusqu’à ce que nous finissions par n’en plus rien comprendre

Donnez-moi un bonbon d’amour
Une légère sucrerie qui apaise le coeur 
Car après tout, n’importe quelle nourriture apaise la famine! 

Et comme un couvercle tenu fermement sur un chaudron d’eau en ébullition 
Un jour cessera la sieste. 
On s’émoustillera bien fort! 

Nous seront folles comme des sauterelles! 

Nous seront libres 
De se vautrer 
Dans la "boue" qui nous plait 

(Cela fût un rêve empli d’espérance : 

D’un oeil pensif 
Les bêtes sauvages se regardèrent, et elles virent 
Une fleur intrinsèque 
Émerger miraculeusement 
D’un océan boueux 

Puis elles moururent dans leur frénésie
Comme quoi la mort leur parut grandiose)

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